PAYSAGES (environnement)

PAYSAGES (environnement)
PAYSAGES (environnement)

L’écologie analyse les relations qu’entretient chaque espèce avec son environnement, la structure, le fonctionnement et l’évolution des systèmes que forment les populations microbiennes, végétales et animales vivant dans un même milieu et, finalement, la dynamique de ce vaste système, la biosphère, que constitue l’ensemble des organismes peuplant les espaces terrestres et aquatiques.

Pour une large part, les recherches écologiques portent sur des structures et des fonctionnements complexes qui ne peuvent être analysés efficacement que dans des espaces de petites dimensions, choisis au sein d’un milieu de façon à assurer une suffisante représentativité vis-à-vis de celui-ci. En cela, les recherches écologiques diffèrent considérablement des études géographiques classiques, qui sont menées à des échelles notablement plus petites. De fait, l’espace habituel du géographe, c’est celui de l’homme, un vaste espace où peuvent s’imbriquer de multiples milieux.

Depuis quelques décennies, pourtant – et le phénomène s’intensifie actuellement –, apparaissent des préoccupations convergentes chez nombre de géographes et d’écologues. Ces convergences trouvent leur origine dans ce qui constitue pour la géographie et l’écologie une même problématique: l’une et l’autre cherchent à comprendre l’occupation de l’espace par les êtres vivants et, réciproquement, le rôle de l’espace dans leur dynamisme et leur évolution. À un moment ou à un autre, l’étude des relations réciproques entre espace et organismes devient nécessairement systémique car la réalité à saisir se révèle être un réseau d’interdépendances. Cette réalité oblige la géographie et l’écologie à se rapprocher sur les plans conceptuel et méthodologique.

Mais ces convergences d’ordre fondamental ne sont pas les seules: les problèmes d’aménagement, de gestion des milieux et de conservation du patrimoine naturel interpellent aussi bien les géographes que les écologues. Ces derniers sont ainsi conduits à changer leur échelle habituelle d’observation: l’espace qu’il faut gérer concrètement, c’est l’espace des hommes, celui des territoires où les activités humaines se déroulent dans une mosaïque de milieux qu’elles artificialisent à des degrés divers. De plus, les écologues ont été amenés à constater que des phénomènes importants restaient ininterprétables si les investigations ne portaient que sur des milieux considérés isolément. En réalité, il existe de constantes relations entre les divers milieux d’un même territoire, ce qui est particulièrement évident lorsque justement l’homme est pris en considération: par ses activités, il modifie ou crée de multiples dépendances entre milieux.

C’est ainsi un champ nouveau de l’écologie qui se constitue. Le développement en est encore assez réduit, bien que l’origine en remonte au moins à 1939, avec la création de l’expression Landschaftökologie (Landscape Ecology , «écologie du paysage») par le biogéographe allemand Troll. Officiellement reconnue dès les années 1960 dans les pays de l’est et du nord de l’Europe, cette discipline a pris toute son ampleur, sur le plan international, avec la création, en 1982, de The International Association for Landscape Ecology (I.A.L.E.) et celle, en 1987, de la revue internationale Landscape Ecology (J.-C. Lefeuvre et G. Barnaud, 1988). En France, une section de l’I.A.L.E. s’est constituée en 1988, sous forme d’un groupe de travail «écologie du paysage» au sein de la Société d’écologie.

Le terme «paysage» évoque bien cette échelle spatiale à laquelle se rejoignent géographie et écologie. Malheureusement, il est lourd de trop d’ambiguïtés. Leur analyse permettra de mieux cerner ce qui, pour l’écologie, constitue effectivement un nouveau champ de recherche, dont on envisagera les implications tant fondamentales qu’appliquées.

1. Paysages et écologie

Ambiguïtés du paysage

Paysage: le même mot sert pour dire qu’un promeneur parcourant une forêt perçoit un «paysage» forestier ou pour désigner le «paysage» de montagnes que l’on peut découvrir de l’un de ces «points de vue» signalés par les guides touristiques. Dans les deux cas, le terme évoque la relation qui s’établit, en un lieu et à un moment donnés, entre un observateur et l’espace qu’il parcourt du regard. Au travers de ses propres filtres sensoriels et culturels, l’observateur appréhende ce qui devient pour lui un spectacle porteur de significations (V. Berdoulay et M. Phipps, 1985; G. Rougerie, 1988), une «impression» comme l’a bien dit Claude Monet.

Ainsi, un paysage n’est pas un objet, mais un événement fugitif, unique. Certes, le psycho-sociologue peut rechercher, dans la multiplicité des relations perceptives, ce qui présente une certaine répétitivité, qu’il s’agisse des aspects physiologiques de la perception ou des fondements socio-culturels de la structuration de ces relations. Mais ce n’est pas là l’objet d’une recherche écologique. Aussi les écologues se sont-ils donné leur propre définition du terme «paysage».

Dans ce qui constitue le premier ouvrage de référence pour les chercheurs en écologie du paysage, R. T. T. Forman et M. Godron (1986) définissent un paysage comme un espace de plusieurs kilomètres carrés, où un assemblage particulier d’écosystèmes interactifs se répète à peu près à l’identique. La mosaïque des champs, des prés, des haies et des bois d’un bocage en donne un exemple. Ne faisant aucune référence aux phénomènes perceptifs, cette définition considère exclusivement des espaces caractérisés par des dimensions d’un ordre de grandeur déterminé et par une certaine diversité d’écosystèmes. Dans cette conception, ni le paysage forestier, correspondant à un seul écosystème, ni le paysage panoramique, lorsque le regard porte à des dizaines de kilomètres, ne correspondent au type d’entité écologique que R. T. T. Forman et M. Godron cherchent à définir.

On ne peut donc que regretter la multiplication des sens et usages d’un terme qui devient source d’ambiguïtés et propagateur de confusion. En revanche, il faut souligner l’importance de deux notions mises en avant par R. T. T. Forman et M. Godron: l’hétérogénéité que crée la présence de divers écosystèmes dans un même espace et l’interactivité qui résulte de leurs dépendances mutuelles. Au travers de ces notions se dessine un domaine de recherches dont la nouveauté apparaît lorsqu’on réfléchit aux limites du concept d’écosystème, concept central de l’écologie classique.

Un nouveau domaine de recherches

Le terme d’écosystème, introduit par A. G. Tansley en 1935, a été précisé par R. L. Lindeman (1942). Il désigne un ensemble précis de catégories trophiques interdépendantes, entre lesquelles se répartissent des individus de différentes espèces – microbiennes, végétales et animales –, en interaction avec un environnement physico-chimique déterminé. L’entité ainsi formée est considérée comme autonome d’un point de vue fonctionnel: elle comporte en principe une source interne de production de matière organique et des organismes consommateurs et décomposeurs dont les activités concourent, plus ou moins directement, au recyclage de la matière au sein du système.

Par référence aux travaux de phytosociologie, on a souvent pensé qu’un écosystème devait correspondre à un milieu «homogène» défini par un certain groupement végétal, autrement dit par une végétation dont la structure horizontale est de type répétitif sur une étendue plus ou moins vaste. L’étude pourra alors être réalisée sur une aire limitée représentative et les résultats en être extrapolés à l’ensemble. De nombreuses forêts, des prairies, des savanes, considérées comme autant d’écosystèmes, ont été étudiées de cette manière.

Une autre conception de l’écosystème repose sur l’existence, au sein d’un milieu bien différent de ceux qui l’entourent, d’un réseau d’interactions fonctionnelles étroites. L’exemple qui est classiquement donné est celui de l’étang: bien distinct des milieux terrestres avoisinants, cet écosystème contient un peuplement tout à fait particulier de micro-organismes, de végétaux et d’animaux entre lesquels jouent d’étroites interactions.

En réalité, il n’est pas facile de trouver dans la nature des entités satisfaisant pleinement à la notion théorique d’écosystème. L’homogénéité, admise pour pouvoir extrapoler des résultats obtenus sur des surfaces ou dans des volumes restreints, est toujours imparfaite. En vérité, c’est l’hétérogénéité qui est la règle. Les phytosociologues le savent, qui sont si souvent confrontés à des phénomènes de bordure, à des structures en mosaïque, à des gradients de facteurs édaphiques ou microclimatiques. En toute rigueur, l’autonomie fonctionnelle n’existe pas davantage. C’est l’évidence, par exemple, dans le cas des écosystèmes d’eaux courantes, dont les caractéristiques physico-chimiques – et par suite biologiques – dépendent étroitement de la configuration des bassins versants et du fonctionnement des milieux terrestres.

De façon générale, les milieux contigus s’influencent réciproquement, sur de plus ou moins grandes distances, en créant des conditions structurales et microclimatiques d’interface qui influent sur les mouvements de matières et sur la distribution des espèces. Ces faits ont été particulièrement étudiés dans les bocages, afin d’analyser le rôle des réseaux de haies à l’égard des cultures et des problèmes d’érosion. On sait aussi que, pour accomplir la totalité de leur cycle biologique, bien des animaux exigent la proximité de divers milieux. C’est typiquement le cas des animaux à larves aquatiques et adultes aériens, qui peuvent ainsi intervenir successivement dans des réseaux trophiques différents. C’est le cas aussi de beaucoup de mammifères et d’oiseaux dont les diverses activités se répartissent dans des milieux différents, comme des forêts et des espaces ouverts. Il n’y a là rien que de très classique. La signification de ces faits est cependant importante dans le présent contexte: certaines populations ne peuvent se maintenir dans un espace que si celui-ci comprend différents écosystèmes disposés les uns par rapport aux autres selon un type déterminé d’agencement. L’hétérogénéité apparaît ainsi comme une condition de maintien des processus écologiques assurant la survie de certaines espèces. Réciproquement, par leur présence, celles-ci manifestent l’existence de ces processus qui jouent à l’échelle de systèmes d’écosystèmes.

Quand on sait les difficultés que rencontre la recherche alors même qu’elle se limite à l’analyse du fonctionnement interne des écosystèmes, on peut craindre de ne pas aboutir lorsqu’il s’agit de saisir des phénomènes jouant à l’échelle de systèmes plus vastes et fondamentalement hétérogènes: c’est là, sur le plan méthodologique, le défi que doit relever l’écologie du paysage. Alors que l’hétérogénéité est pour l’écologie classique une gêne dont on tente de limiter l’impact, elle est au contraire au cœur des préoccupations dans ce nouveau champ de l’écologie.

D’ores et déjà, il apparaît que l’hétérogénéité ne doit pas être considérée comme une caractéristique structurale – en quelque sorte statique – de l’espace écologique. Des recherches sur la dynamique de systèmes terrestres, comme les forêts, et de systèmes fluviaux, mosaïques de milieux terrestres et aquatiques, montrent que l’hétérogénéité résulte d’une dynamique incessante où les perturbations naturelles jouent un rôle important. Dans les forêts naturelles de vaste étendue, par exemple, on rencontre de nombreux emplacements où, par suite de la chute d’un ou de plusieurs grands arbres, se sont formées des zones de lumière permettant la croissance d’individus inhibés par l’ombrage du couvert forestier. Composition taxinomique et structure spatiale de la végétation font de ces zones des écosystèmes différents de la forêt développée qui les entoure. En fait, un examen attentif de celle-ci montre qu’à côté de tels emplacements facilement décelables en existent beaucoup d’autres qui correspondent à des événements plus anciens. En réalité, ces forêts naturelles sont des mosaïques de parcelles correspondant à des stades différents d’une dynamique de reconstitution. Cette dynamique permanente produit l’hétérogénéité du système; réciproquement, celle-ci rend possible la persistance de toutes les espèces impliquées dans les différentes étapes de successions.

Sur le plan fondamental, ces considérations conduisent au renouvellement des théories écologiques. Alors qu’on associait classiquement à l’idée de climax celle d’un écosystème homogène en équilibre, il faut maintenant prendre en compte l’hétérogénéité et sa signification dynamique. J. Blondel (1986) a ainsi introduit le concept de métaclimax , qui correspond au constat que la capacité de persistance d’un système écologique comme une forêt ou une vallée fluviale dépend de l’existence d’une structure hétérogène, non pas quelconque, mais telle que soit assurée en permanence la viabilité de toutes les populations intervenant dans la dynamique du système. Celle-ci est induite, dans un métaclimax fluvial comme dans un métaclimax forestier, par des «perturbations» – destruction d’îles ou de rives par reprise d’érosion, chutes d’arbres sur de plus ou moins grandes surfaces –, perturbations qui, en réalité, font intrinsèquement partie du fonctionnement de ces systèmes (J. Blondel, 1986; C. Amoros et al., 1988).

La notion «d’écocomplexe»

Au total, l’écologie du paysage conduit à la reconnaissance d’un niveau d’intégration écologique supérieur à celui des écosystèmes. À ce niveau apparaissent des propriétés nouvelles, liées à la structure des mosaïques, à la diversité du «grain» – c’est-à-dire des dimensions – des écosystèmes, au réseau d’interfaces qu’ils forment, aux flux d’énergie, de matières et d’organismes que la structure favorise ou contrarie, à l’existence de populations qui ne se maintiennent que parce que coexistent, selon un agencement spatial particulier, les divers écosystèmes nécessaires à leur fonctionnement. Il a été proposé de désigner ces systèmes d’écosystèmes par le terme écocomplexe (P. Blandin et M. Lamotte, 1985). Ce terme évite les ambiguïtés du mot «paysage», car il désigne une catégorie de systèmes écologiques considérés sans aucune référence aux phénomènes de perception: un même écocomplexe peut donner lieu à une infinité de paysages, car tout individu y jette un regard différent.

Le concept d’écocomplexe évite aussi deux restrictions liées à la définition du paysage proposée par R. T. T. Forman et M. Godron (1986). La première tient au fait que l’idée de paysage est implicitement associée à des espaces continentaux, alors qu’il est évidemment souhaitable de transposer l’idée d’interactivité des écosystèmes au domaine marin. La seconde tient à l’affirmation qu’un «paysage» est un assemblage d’écosystèmes qui se répète dans l’espace, alors que des assemblages non répétitifs, mais ayant une réelle unité fonctionnelle, peuvent très bien exister.

Au-delà des problèmes terminologiques, une fois reconnue l’existence d’un niveau d’organisation supérieur à celui des écosystèmes, c’est la problématique de la recherche qu’il importe de définir. Comme dans les autres branches de la biologie, il s’agit d’expliciter le déterminisme réciproque des structures et des fonctionnements, de comprendre quelles évolutions ont produit les structures actuelles et, si possible, de déduire de leur état présent les évolutions les plus probables. S’agissant d’espaces et de systèmes écologiques qui sont à l’échelle des activités humaines, on voit alors s’ouvrir des perspectives d’application.

Des recherches fondamentales aux applications

Les activités humaines ont pour conséquence la modification de la structure, du fonctionnement et de la dynamique des écocomplexes. Rares sont actuellement les régions où l’organisation des systèmes écologiques ne traduise l’influence, subtile ou pesante, de l’homme. Celle-ci peut être jugée positive, lorsqu’elle a pour effet le maintien, sinon l’accroissement, d’une certaine diversification des milieux. On s’aperçoit aujourd’hui que bien des activités rurales traditionnelles ont été productrices d’hétérogénéité écologique et que leur régression – la «déprise agricole» – risquerait de provoquer une certaine homogénéisation du tapis végétal. On sait aussi que bien des zones humides de grand intérêt écologique résultent d’aménagements souvent fort anciens.

La balance, cependant, penche du côté des conséquences néfastes de l’anthropisation des écocomplexes: les structures sont simplifiées, flores et faunes sont appauvries, des fonctionnements perdent de leur robustesse, les dynamiques spontanées de renouvellement sont rompues, les réseaux trophiques sont empoisonnés par de multiples produits.

Dans ce contexte, le besoin est toujours davantage ressenti d’une politique de gestion de l’espace s’appuyant sur de solides fondements scientifiques. De ce point de vue, l’échelle des écocomplexes semble importante. Elle correspond en effet à celle de territoires portant chacun un assemblage particulier d’écosystèmes produits par une commune histoire écologique et humaine. Savoir analyser la structure et le fonctionnement des écocomplexes, comprendre l’évolution qui les a produits, en déduire leurs potentialités, tout cela est indispensable à l’élaboration de diagnostics pertinents et à la conception d’une gestion combinant un nécessaire développement et la conservation active du patrimoine naturel.

2. Paysages et géographie

En se situant à l’encontre de toute position naturaliste ou quantitativiste, on peut dire que le paysage est la réalité de l’espace terrestre perçue et déformée par les sens et que son évolution repose entièrement entre les mains des hommes qui en sont ses héritiers, ses auteurs, ses responsables. Ils peuvent l’aménager de telle manière qu’il rende service au plus grand nombre, mais aussi le négliger ou en abuser jusqu’à le rendre inutilisable, voire hostile. Cela revient à faire du paysage une affaire politique. Les paysages reflètent largement les principes politiques gérant les sociétés. Mais le degré de complexité technique des paysages actuels fait que beaucoup de politiciens ont abandonné leurs prérogatives entre les mains de techniciens, ingénieurs, juristes ou autres, qui par le fait sont devenus des technocrates. Pour ce qui relève de la France, la loi de décentralisation de 1982 devrait avoir pour effet de replacer les politiques face à leurs responsabilités: la réussite du contrôle de l’environnement tient uniquement au degré de satisfaction des usagers permanents et temporaires des paysages. Elle ne peut être que le fruit d’un dialogue entre de multiples intervenants, sous l’arbitrage du responsable politique, l’usager étant la fin ultime.

Un concept flou

Le mot paysage apparaît pour la première fois dans le dictionnaire français-latin de Robert Estienne publié en 1549. Il désigne à cette époque une toile de peintre représentant une vue champêtre ou un jardin. Les historiens et les critiques d’art continuent d’ailleurs à l’utiliser dans ce sens et, pour beaucoup de Français, le mot paysage désigne le milieu naturel non transformé (sous-entendu, gâté) par l’homme. Cette vision rousseauïste est fréquente chez les botanistes, ou chez certains géographes physiciens qui étudient le relief, le climat, la végétation ou même un seul de ces éléments, en totale indépendance vis-à-vis de l’homme et de l’histoire de ses activités, acceptant ainsi l’idée que, dans un pays comme la France, il est légitime d’étudier le milieu «naturel» à l’exclusion de l’homme. Lorsqu’on sait que c’est faux des savanes, du sahel ou même des forêts denses (l’exemple des orangers pseudo-sauvages du Paraguay le démontre), à plus forte raison cela l’est-il d’une contrée européenne. Mais on vit encore sur l’idée du paradis terrestre que dérange l’homme.

Pour un certain nombre d’autres personnes, le paysage comporte également l’espace urbain. Mais, en réalité, la notion ne devient opérationnelle que si elle inclut la perception qu’ont les hommes de la réalité. Or cette perception n’est pas innocente. Personne ne voit la même chose. La personnalité, la culture de l’observateur lui permettent ou lui interdisent de voir tel ou tel élément constitutif de la réalité. Au-delà de l’échelle individuelle, les groupes sociaux réagissent eux aussi de manière originale: une famille, une classe d’âge, une catégorie socioprofessionnelle, les habitants d’une région ou d’un même pays seront frappés par un aspect que n’auront même pas vu les autres. Il est à noter que la formation traditionnelle d’un géographe à la française ayant touché à la géographie physique et à la géographie humaine demeure probablement l’une des meilleures initiations à une lecture des paysages aussi impartiale que possible, hormis peut-être ce qui concerne l’harmonie des formes et des couleurs dont la perception n’est pas éduquée et varie en fonction de la sensibilité et de la culture personnelle du géographe. Cela n’implique pas pour autant unanimité ou constance des géographes quant à la définition à donner au mot paysage. Ainsi, l’édition de 1974 du Dictionnaire de la géographie de Pierre George (P.U.F.) indique: «Employé par certaines écoles géographiques étrangères pour désigner le milieu naturel synthétique, objet d’une géographie physique globale. Biogéographie: portion d’espace analysée visuellement. Le paysage est le résultat de la combinaison dynamique d’éléments physico-chimiques, biologiques et anthropiques qui, en réagissant les uns sur les autres, en font un ensemble unique et indissociable en perpétuelle évolution...» Les différents niveaux spatiaux d’étude des paysages proposés sont la zone, le domaine, la région naturelle, le géosystème, le géofaciès et le géotope. On le voit, la place de l’homme est discrète. En revanche, dans son édition de 1984, ce même dictionnaire supprime tout le long développement biogéographique et indique simplement: «Le mot s’applique, suivant les auteurs, à un ensemble de signes caractérisant une unité géographique sur le plan physique ou humain. D’acception originellement descriptive – mais déjà globale –, il a pris récemment une signification synthétique rassemblant l’ensemble des traits issus de la géographie naturelle et des apports des civilisations qui ont façonné successivement le cadre initial et sont entrés dans la conscience de groupe des occupants...»

Cela étant, la complexité de l’approche intellectuelle du paysage ne doit pas faire négliger son approche directe, concrète et sensuelle. Un certain nombre d’universitaires se sont consacrés depuis quelques années à l’étude théorique du paysage. Les modèles et les systèmes qui sont issus de ces réflexions atteignent un tel degré d’abstraction qu’ils sont parfaitement inutilisables, en particulier dans le domaine de l’aménagement (J.-C. Wieber, V. Berdoulay, parmi les francophones). De telles méthodes, inaugurées par les Anglo-Saxons (méthode dite de Manchester, par exemple), ont donc fait long feu. Aussi savante et nuancée soit-elle, toute approche prioritairement quantitative du paysage oblige à passer à côté de l’essentiel, qui est ineffable, et qui ne supporte que des méthodes pragmatiques plaçant le sensible au-dessus de tout. Une telle position qui peut apparaître comme trop empirique et approximative correspond aux vœux des sociétés occidentales rejetant idéologies et totalitarismes. Pierre Sansot s’est fait le défenseur en France de cette appréhension buissonnière des paysages: «Si la notion de paysage mérite d’être honorée, ce n’est pas seulement parce qu’elle se situe de façon exemplaire, à l’entrecroisement de la nature et de la culture, des hasards de la création et de l’univers et du travail des hommes, ce n’est pas seulement parce qu’elle vaut pour l’espace rural et pour l’espace urbain. C’est essentiellement parce qu’elle nous rappelle que cette terre, la nôtre, que nos pays sont à regarder, à retrouver, qu’ils doivent s’accorder à notre chair, gorger nos sens, répondre de la façon la plus harmonieuse qui soit à notre attente. Le monde (et donc notre existence) vaut la peine d’être parcouru, aimé, salué, connu, reconnu. Il y a là un acte d’allégresse et d’allégeance à l’égard de ce que la bienveillante nature et la ferveur laborieuse de nos ancêtres ont su nous léguer.»

Une telle position respectueuse de l’homme, de sa culture, tant actuelle qu’héritée, représente en réalité un vaste courant mondial qui progresse dans les pays développés et qui pourrait peut-être se rattacher aux idées de l’architecte Frank Lloyd Wright. C’est celle que défend toute une école de paysagistes: Bernard Lassus en France, Georges Neuray en Belgique, Appleton en Grande-Bretagne, Yoshio Nakamura et Tadahiko Higuchi au Japon.

Une genèse complexe

La formation d’un paysage résulte toujours d’un mariage entre ce dont une société hérite ou dont elle prend possession, et ce à quoi ses besoins et sa culture l’amènent à aspirer.

Une première cause de changement réside dans les transformations imaginées in situ. Généralement assez lentes, elles ne donnent pas lieu à des révolutions paysagères. C’est le cas, par exemple, des villes du Moyen Âge qui évoluent de manière pragmatique (hormis certaines formes volontaristes comme les bastides en France), sans qu’une volonté forte et précise ne canalise leur croissance. Il en résulte une grande variété qui présente pour nous qui avons perdu l’habitude de ces processus spontanés un charme immense. Elles sont variées tout en témoignant de l’unité de la culture de leurs habitants. Les maisons d’une ville ont un air de famille, car leurs bâtisseurs avaient à peu près les mêmes besoins, la même culture, le même héritage, mais chacun d’eux avait aussi sa personnalité. Pour reprendre une comparaison anthropologique, c’est un peu comme les membres d’une même ethnie; tous se ressemblent, mais, en même temps, chacun est bien différent de son voisin: homogénéité, mais pas uniformité.

On peut s’appuyer, pour illustrer le cas du paysage rural, sur un autre exemple: la naissance de l’openfield en Allemagne et dans le nord-est de la France ne s’est pas produite d’un seul coup. C’est progressivement que les communautés rurales ont découvert l’intérêt de l’assolement triennal réglé, avec vaine pâture. L’évolution s’est étalée entre le IXe siècle et le XVIIIe siècle.

Un deuxième processus de transformation d’un paysage est la diffusion d’une invention paysagère d’une région à l’autre. En général, cette diffusion imitative est plutôt lente. C’est le cas, par exemple, de la néolithisation de la planète, quelles que soient les cultures ou les formes d’élevage sur lesquelles elle s’est appuyée. C’est aussi celui de l’expansion du maïs en France à partir de son entrée au Pays basque au XVIe siècle. Il lui faut pratiquement un siècle pour parvenir en Bresse et en Alsace, à la vitesse moyenne d’un village par an, ce qui illustre parfaitement le phénomène de l’imitation après observation de la nouveauté chez son voisin, dans un espace où les voies de communication médiocres ne permettent pas des déplacements nombreux et rapides.

Le troisième processus, beaucoup plus rapide, est la planification autoritaire d’un style de paysage. Le nouveau paysage adopté par un pouvoir fort (religieux ou politique) est imposé à tout un espace. L’exemple romain est à cet égard l’un des meilleurs par son efficacité: ponts, routes, villes, maisons, etc., sont pratiquement les mêmes en Gaule, en Syrie, en Tunisie ou en Espagne. Une telle unification n’a pu être réalisée qu’en vertu de la foi extraordinaire des Romains en l’excellence de leur modèle, foi religieuse qui s’est donné les moyens politiques, militaires et techniques de la concrétisation. L’adoption du paysage par les peuples conquis, il faut l’ajouter, n’aurait jamais été aussi rapide que le démontre l’archéologie, si leur conviction de l’intérêt de ce modèle n’avait pas été emportée. Or, le moyen privilégié de cette diffusion, c’est la route. La remarquable qualité technique de la via romaine est au cœur de la compréhension du paysage dans sa globalité.

Quelques siècles plus tard, c’est un processus analogue qui permet la diffusion rapide sur une aire immense et, de surcroît, mal desservie par les voies de communication, du modèle de la ville islamique, lequel est inséparable de l’exercice de la religion musulmane. Plus tard encore entrent dans la même catégorie la diffusion en Amérique latine du modèle ibérique de la plaza mayor , lointain héritage du forum romain et de l’agora grecque, celle de la place royale à la française et du château à la manière de Versailles dans toute l’Europe des Lumières, celle de l’urbanisme colonial européen sur tous les continents au XIXe siècle et, plus récemment, celle des principes de l’architecture et de l’urbanisme internationaux issus de la charte d’Athènes.

On voit qu’en définitive le paysage résulte de divers cheminements humains qui se croisent, parfois se complètent ou se contredisent sur une matrice, elle-même vivante, faite de terre, d’air, d’eau, de végétation et de faune. L’un est religieux au sens large et exprime le rapport entre les hommes et le sacré. Le deuxième, qui lui est souvent lié, est celui de l’imagination, du rêve, du sens esthétique. Vient ensuite celui de la vie sociale qui privilégie tour à tour le consensus, la lutte de groupes les uns contre les autres ou l’individualisme. Puis s’affirme avec force celui du pouvoir politique émietté ou centralisé, accepté ou contesté. Vient enfin celui des techniques, pragmatiques, académiques ou industrielles et uniformisantes.

Des approches divergentes

L’intérêt pour l’héritage a d’abord concerné les décors architecturaux et urbains. L’idée avait germé dans l’Italie du Quattrocento où l’on avait commencé à pratiquer des fouilles archéologiques et à publier les traités antiques d’architecture, tel celui de Vitruve. Elle pénètre en France au moment des guerres d’Italie et se diffuse ensuite rapidement à travers toute l’Europe. Cette attitude repose sur une nostalgie affirmée, sur le sentiment d’un paradis perdu, d’un monde d’ordre et de beauté qui n’est plus. On ne peut nier qu’elle soit à mettre en rapport avec les premiers symptômes d’une crise de la foi religieuse: au paradis de l’au-delà se substitue le paradis sur terre. Le Moyen Âge sera alors considéré comme une période ayant gâché l’héritage gréco-romain, dont il faut retrouver le sens.

Urbanistes et paysages

La mode néo-classique commence à s’exprimer par le biais des entrées solennelles de souverains. Désormais nommées «triomphes», elles se déroulent dans des décors peints représentant des villes idéales, dans le style de la scène du théâtre olympique de Palladio à Vicence. Puis vient le temps du dégagement des monuments antiques de leur gangue plus récente. C’est ce que commence à entreprendre François Ier à l’amphithéâtre de Nîmes en 1553 et ce qui se poursuivra un peu partout jusqu’à nos jours. La destruction volontaire de l’église Saint-Siméon de Trèves, entreprise sur ordre de Napoléon pour redonner à la Porta nigra sa pureté de ruine antique, est très significative de cet état d’esprit.

Jusqu’au XIXe siècle, les architectes, les urbanistes et leurs commanditaires ne s’intéressent qu’à l’histoire des paysages antiques et s’appliquent à les reproduire ou à les adapter aux besoins du jour. Avec Viollet-le-Duc et une partie des architectes du XIXe siècle, le paysage médiéval accède à la triple dignité d’objet scientifique, de patrimoine à conserver et de source d’inspiration. Ils reçoivent l’appui de plumes talentueuses comme celle de Victor Hugo.

Le XXe siècle est en ce domaine parfaitement éclectique. À côté d’un Tony Garnier ou d’un Ricardo Bofill plus ou moins fascinés par l’Antiquité, certains architectes s’intéressent à l’urbanisme spontané des villes médiévales d’Europe, tandis que d’autres, dans la lignée de Le Corbusier et des Congrès internationaux d’architecture moderne (C.I.A.M.), demeurent partisans de la table rase. À quelques exceptions près, on n’enseigne plus guère l’histoire de l’architecture dans les unités pédagogiques, mais nombreux sont les jeunes architectes qui se passionnent pour des études approfondies d’histoire du paysage, succédant ainsi à Viollet-le-Duc, pénétrant spécialiste de l’architecture médiévale, ou à Fernand Pouillon, interprète sensible de l’abbaye cistercienne du Thoronet (Les Pierres sauvages ). La différence majeure avec leurs prédécesseurs tient au fait que les nouveaux architectes-historiens ne construisent plus guère et n’utilisent donc pas leur savoir comme un terreau. Parmi les représentants de cette génération, il faut citer J. Castex, P. Celeste, P. Panerai et surtout Roland Bechmann, fondateur de ce qu’il appelle lui-même l’écologie de l’architecture, méthode qui a renouvelé la compréhension des cathédrales et celle des forêts médiévales.

À l’École de Chaillot, qui forme les futurs architectes des bâtiments de France et des monuments historiques, la préoccupation historique demeure au cœur des enseignements. L’histoire des paysages et des techniques les ayant produits est ici érigée en principe de conservation, sans qu’un tel choix entraîne le moindre doute quant à sa légitimité. D’une manière générale, les professions du patrimoine se préoccupent beaucoup en France aujourd’hui de fidélité à l’état supposé originel de l’objet à conserver. C’est une position très éloignée de celle de Viollet-le-Duc au XIXe siècle, laquelle se rapproche plus de la manière dont Alexandre Dumas écrivait l’histoire.

Archéologues et paysages

Après des siècles de passion pour les objets d’exception, les archéologues français ont récemment élargi leur intérêt à la globalité du paysage, avec un certain retard sur leurs collègues anglo-saxons, allemands ou scandinaves. Roger Agache s’est révélé un pionnier en utilisant depuis une quarantaine d’années la technique de la photographie aérienne en Picardie. Ces préoccupations environnementalistes sont aussi bien celles des préhistoriens (Leroi-Gourhan à Pincevent, Jean Guilaine, Pierre Pétrequin) que des spécialistes de l’Antiquité comme Raymond Chevallier, du Moyen Âge comme Gabrielle Démians d’Archimbaud ou des périodes plus récentes pour lesquelles les documents sont plus abondants.

La grande nouveauté de l’archéologie française est son acceptation récente de reconstituer les paysages des sites fouillés, tout au moins pour un certain nombre de leurs éléments constitutifs. L’archéodrome de Beaune, financé par une société d’autoroutes, en est un remarquable exemple. Cette solution très courante en Allemagne, dans les pays anglo-saxons, en Scandinavie ou au Japon a le mérite de populariser vraiment la recherche archéologique sur les paysages, mais aussi de fertiliser l’imagination des scientifiques. Elle a surtout l’immense avantage d’inviter les professionnels et les amateurs d’archéologie traditionnelle à dépasser la confusion longuement entretenue entre la recherche scientifique et la politique de conservation. Il ne peut être question de protéger tous les vestiges du passé, anciens ou non, surtout à partir du moment où ils ont été étudiés. La sacralisation de l’héritage archéologique, antérieur à la révolution industrielle et, depuis quelques années, datant de cette période, est sans doute la meilleure incitation possible au vandalisme des aménageurs, parfaitement légitime dans ces conditions. La Revue d’archéologie moderne et d’archéologie générale (Ramage ), publiée sous la direction de Philippe Bruneau et de Pierre-Yves Balut, est l’une des rares publications actuelles à remettre un peu d’ordre dans ces problèmes.

Biologistes et paysages

Les botanistes, quant à eux, ont longtemps raisonné en opposant l’anthropisation accomplie depuis le Néolithique à un état antérieur de la végétation présumé équilibré et stable: le climax. On retrouve ici le paradis terrestre des architectes. Qu’on en juge par la définition qu’en donne l’édition récente du Dictionnaire de la géographie : «État optimal d’équilibre relativement stable entre la végétation [phytoclimax] ou le sol [pédoclimax] et le milieu correspondant, en l’absence d’intervention humaine [...]. Le climax quasi parfait est appelé eu-climax. Si une perturbation due à l’homme et aux animaux intervient, on parle de dysclimax.» Ce principe d’optimisation par non-intervention de l’homme a été le fil conducteur des cartes de la végétation de la France au 1 : 200 000, qui s’efforcèrent, sous la direction d’H. Gaussen et de P. Rey, de révéler les conditions d’une gestion écologique du patrimoine biogéographique français, en précisant les conditions écologiques qui définissent les «terroirs».

Une conception plus radicale a été développée par l’un des fondateurs de l’écologie scientifique en France, Jean Dorst, qui écrit dans son ouvrage remarqué, Avant que la nature meure : «L’homme n’existait pas encore et cela pendant des millions d’années, et déjà un monde semblable ou différent du nôtre étalait ses splendeurs [...]. L’homme est apparu comme un ver dans le fruit, comme une mite dans une balle de laine, et a rongé son habitat, en sécrétant des théories pour justifier son action.» On admettra que dans un tel état d’esprit l’analyse du milieu naturel soit faussée à la base et qu’elle devienne une arme redoutable entre les mains de l’écologisme militant.

Historiens et paysages

Depuis des années, l’histoire s’intéresse à tout, y compris aux mentalités, mais le paysage fait partie de ses pudeurs. Il y a quelques grandes exceptions, comme Charles Higounet, mais, lorsqu’on feuillette les Annales , on s’étonne de la très faible place qu’y occupent les paysages, alors que toutes les sciences humaines ont mis le thème à leur ordre du jour.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette regrettable discrétion. En premier lieu, la prédilection de l’histoire pour la source écrite. C’est bien légitime, mais, en matière de paysage, c’est insuffisant; la confrontation avec l’analyse archéologique et géographique du terrain est indispensable. Lorsque cette dernière est seule, le résultat est d’ailleurs incomplet, voire erroné, comme en témoigne la trop fameuse Histoire de la campagne française , ouvrage publié en 1932 par Gaston Roupnel. Ensuite, il faut invoquer le divorce universitaire trop marqué entre l’histoire et la géographie, celui-ci d’autant plus incompréhensible que dans l’enseignement secondaire ces disciplines sont enseignées par les mêmes professeurs. L’histoire des paysages ne progressera jamais aussi vite en France que dans les pays d’Europe du Nord, et ce tant que les historiens n’auront pas pris le réflexe d’en débusquer les témoignages – nombreux – dans tous les documents qu’ils dépouillent.

La nécessité d’une synthèse

Jusque dans les années 1960, les géographes ont toujours accordé une très grande place dans leurs travaux à l’histoire paysagère. Toutes les thèses classiques de géographie régionale consacraient au thème une part importante de leurs développements. On connaît, par ailleurs, la fécondité de la démarche de Roger Dion dont la majeure partie des travaux sont des modèles de géographie historique du paysage. Depuis une vingtaine d’années, les centres d’intérêt de la géographie se sont renouvelés – de manière souvent fort heureuse – et les géographies historique et rétrospective ont perdu de leur faveur. C’est un peu dommage, car le discours des géographes, à la frontière des sciences écologiques et sociales, est à l’heure actuelle original, même s’ils n’en ont pas toujours une conscience claire. Parmi ceux qui n’ont pas abandonné le créneau, on citera P. Flatrès, X. de Planhol, P. Claval, J. Peltre, P. Bonnaud, R. Lebeau, A. Fel.

Les géographes qui écrivent le plus sur les paysages (J.-C. Wieber, par exemple) ont tendance, comme on l’a vu, à privilégier l’aspect spatial des choses, en négligeant quelque peu la dimension temporelle. Cela peut tenir au désir de faire de la géographie une science exacte, laquelle ne pactise pas avec les humanités et renvoie donc au divorce fâcheux évoqué plus haut.

En réalité, il faut reconnaître au paysage le statut de centre d’intérêt généralisé, y compris dans le grand public. Comme pour bien d’autres thèmes transversaux, le problème ne devrait pas être de savoir qui s’occupe de quoi et de fixer les frontières entre les disciplines scientifiques, mais de répondre le mieux possible aux attentes de l’époque. Il faudra bien admettre un jour que la multiplication des chapelles scientifiques étanches est le choix qui a été fait au XIXe siècle face à l’inflation du savoir, mais qu’on ne saurait pour autant condamner les audaces synthétiques à la manière de Vinci, Pascal, Pasteur, Braudel ou Théodore Monod: le paysage est une invitation à sortir des champs méthodologiques limités.

Les états d’âme, voire le masochisme, de la plupart des Français qui se préoccupent d’histoire du paysage limitent considérablement le champ d’action de celle-ci, tant sur le plan scientifique que sur celui de ses rapports avec la création actuelle. Elle est trop souvent pratiquée avec des arrière-pensées nostalgiques en vue de la conservation matérielle du patrimoine. L’attitude est étonnante de la part d’une époque si méfiante, par ailleurs, vis-à-vis des thèmes de la «tradition» et des «valeurs éternelles». Il faut rappeler qu’un patrimoine peut vivre sans pour autant être conservé matériellement. Le temple d’Ise, au Japon, l’un des hauts lieux du shintoïsme, est rebâti tous les vingt ans à l’identique avec des matériaux neufs, témoignant ainsi de la mentalité japonaise qui fait de l’amour de la tradition un état de l’âme, plus qu’un respect pour des reliques. On peut aussi évoquer la destruction par le cardinal de Rohan de son château familial du Verger lorsqu’il dut le vendre, afin qu’il ne fût pas occupé par d’autres.

L’histoire du paysage peut en fait servir à deux fins: d’une part, comprendre l’héritage dans lequel on vit (sans doute cette préoccupation fait-elle partie des besoins fondamentaux de l’homme, être doué de mémoire) et, d’autre part, insuffler à la création un esprit de pragmatisme et de liberté. L’échec de toutes les tentatives de création d’un paysage idéal – à l’exception des jardins destinés par essence au rêve – est une leçon d’antitotalitarisme, une invitation à une gestion souple et sensible des paysages d’aujourd’hui. On le devine, ce sont donc les hommes politiques qui devraient être les plus concernés.

L’avenir du paysage rural français

Sur le plan biogéographique, le territoire français se caractérise bien davantage par son originalité que par sa diversité car, pour des raisons climatiques, biotiques (flore, faune) et des causes historiques, les formes du paysage, au sens géomorphologique, qui sont en nombre relativement restreint, ont été utilisées par leurs habitants (hommes mais aussi animaux et plantes) de manière à individualiser le cadre régional où elles se situent.

L’attrait de l’espace rural français est donc sous-tendu par la pluralité des solutions paysagères qu’il représente, en fonction:

– des flux de peuplement par les espèces sauvages,

– des modalités historiques de mise en valeur avec leurs composantes culturelles et démographiques,

– des préoccupations d’aménagement à inspiration politique.

Le tableau d’ensemble est finalement très composite, à couleur locale souvent pittoresque, reflétant la situation de la France en tant que carrefour européen, comme le souligne son manteau végétal tout à la fois riche, diversifié par l’endémisme, et fortement régionalisé.

Cette situation amène à diversifier les solutions au problème de gestion de l’espace naturel auquel les générations à venir vont être confrontées, afin de conserver, voire renforcer, l’authenticité régionale, véritable «image de marque» et atout touristique majeur, qui doit inspirer les modalités de l’impact que le renouveau agricole est appelé à inscrire dans le paysage.

Car, demain, rendre extensifs les agrosystèmes les moins productifs deviendra inéluctable. L’extensification affectera le territoire français non en patchwork diffus selon les spécialistes (J.-C. Tirel), mais par régions entières, au sud de la diagonale Nancy-Bayonne. La déprise risque ainsi d’affecter le «haut de gamme paysager» de notre pays tel que le définit la cartographie automatique basée sur la recension des sites d’importance touristique avérée.

Sous quelle forme faudra-t-il extensifier? Les opinions varient, mais on rejette volontiers le «retour à l’état natif» comme aléatoire et dégradant pour le paysage, sans parler du caractère à haut risque vis-à-vis des fléaux naturels que présentent les zones à l’abandon.

De même, une conception ethnomuséologique de l’extensification ne recueille qu’une minorité d’opinions favorables. En pratique, il s’agit davantage de freiner l’accroissement de l’intensification mais non l’inverser, grâce à la diminution, dans un agrosystème, d’un ou plusieurs des facteurs qui commandent le niveau de la production.

Si la réduction de production est l’objectif essentiel, elle devra nécessairement s’inscrire dans le cadre d’un plan d’aménagement foncier adapté et volontariste, soucieux de cohérence, mais coûteux.

Sur quoi fonder cette cohérence? Un premier obstacle tient au fait que le processus d’extensification ne peut plus être aujourd’hui dissocié d’une mécanisation suppléant à la diminution de la population rurale, d’où la «mise à plat» du paysage, que la perte des marques, repères accidents et singularités, monotonise et banalise en faisant disparaître des éléments «fonctionnels» qui le valorisent en révélant la coopération de l’homme avec la nature. Un deuxième obstacle réside dans le fait qu’une déprise complète ne peut que rendre le paysage indéchiffrable en le déshumanisant. «Aujourd’hui, c’est donc la question du paysage du XXIe siècle français, et même européen, qui est posée» (Régis Ambroise et Yves Luginbuhl, in Metropolis , no 84-85). Il faudra donc s’efforcer de respecter l’originalité de la nature mais en la mettant judicieusement en valeur, comme cela se faisait jadis. L’U.N.E.S.C.O. (Dossiers culturels, no 3, avr. 1989) interroge: «Does our past have a future? » Pourquoi pas?

3. Modalités d’aménagement

Le terme de paysage a des acceptions diverses: géographiques, écologiques, sociologiques, visuelles, sensibles, qui ne s’opposent pas mais se complètent. Le paysage est en effet un concept transversal qui permet à des représentants des disciplines les plus diverses de dialoguer, de mettre en œuvre des projets communs. Par exemple, il permet à l’amateur de jardins de trouver un terrain de connivence avec un géographe, un botaniste ou un ingénieur chimiste spécialiste de la pollution des sols..., mais aussi avec un peintre, un paysagiste, un écrivain. La convivialité du thème constitue une opportunité qui doit être mise à profit pour favoriser échanges et travaux interdisciplinaires par lesquels passent les recherches fructueuses et les progrès des savoirs.

Cet article s’en tiendra aux aspects visuels, sensibles du paysage. Il abordera les deux modes d’intervention des concepteurs en matière de paysages, les paysagistes: l’approche du paysage d’aménagement (traitement paysager d’une vallée, d’une ou plusieurs communes, par exemple) et l’approche du paysage d’opération (création d’un jardin, d’un parc...). Enfin seront précisés les sens du terme paysagiste.

Approche du paysage d’aménagement

L’approche du paysage d’aménagement, à grande échelle, correspond aux modalités d’intervention des aménageurs ou des paysagistes sur les espaces constitués par une région, un département, une ou plusieurs communes ou certaines unités géographiques comme des vallées, des plateaux, des massifs montagneux, tels qu’ils sont perçus par un promeneur ou un automobiliste.

Cette approche vise à répondre à l’attente des responsables des services de l’État et de collectivités territoriales comme à celle du public le plus large, soucieux du maintien de la qualité et de la diversité de leurs paysages pour des motifs culturels: sauvegarder et affirmer leur identité, assurer la qualité de leur cadre de vie. Elle a aussi des objectifs économiques car la qualité des paysages s’affirme comme une nécessité pour le développement local afin d’attirer et retenir les touristes, de valoriser commercialement certains produits, en particulier agricoles, comme les vins, les fromages, de favoriser la venue de nouvelles activités. À présent, les entreprises sont soucieuses de s’implanter dans des régions agréables pour satisfaire les aspirations de leurs personnels et favoriser le rayonnement de leur image de marque.

La maîtrise qualitative de l’évolution des paysages constitue un redoutable défi pour les responsables de l’aménagement du territoire en raison de la multitude des acteurs qui influent sur ces espaces: agriculteurs, propriétaires, promoteurs immobiliers publics ou privés, entreprises industrielles ou commerciales, services publics divers... Deux attitudes sont possibles à cet égard.

Ou bien on considère que les éléments visuels des paysages sont uniquement le résultat des activités économiques et sociales qui se développent dans ces zones, qu’ils sont le reflet de l’état d’une société, des techniques agricoles ou industrielles mises en œuvre, des réseaux de communication créés. Une telle conception mécanique du paysage s’oppose à toute tentative d’action sérieuse. Dans une telle optique, les améliorations ne peuvent porter que sur des détails pour faire illusion en dissimulant la réalité: par exemple, améliorer l’apparence des routes par des plantations ou camoufler des bâtiments particulièrement mal intégrés. La tentation serait alors de rester dans l’expectative face à des phénomènes aussi considérables que l’extension des friches agricoles qui concernera dans les cinq à dix ans à venir 4 millions d’hectares supplémentaires et verra la disparition de 300 000 à 500 000 agriculteurs ou celui des friches industrielles qui s’étendent sur 20 000 hectares. Cette attitude conduirait à laisser faire, laisser aller, à enregistrer les conséquences des évolutions, voire à se réfugier dans une attitude d’imprécation à l’encontre d’un système qui engendre tant de désordres.

Ou bien on utilise la dimension médiatique des paysages pour enclencher et développer un processus de valorisation en agissant sur leurs composantes visuelles pour améliorer, «perfectionner» les paysages, selon l’expression du paysagiste du XVIIIe siècle J. M. Morel. Le paysage est en effet constitué par un ensemble de signes qui sont le reflet d’une réalité complexe mais qui en même temps influencent les comportements. Par exemple, l’élagage barbare d’un arbre est une manifestation d’incompétence en matière de végétal, d’irrespect envers la nature vivante, d’absence de sensibilité au beau et d’indifférence vis-à-vis de la qualité du cadre de vie. Les conséquences visuelles d’une telle pratique sur un arbre martyrisé ont pour effet d’entraîner les divers acteurs à adopter une attitude irresponsable concourant à une dégradation générale. Remédier à cette situation en adoptant les méthodes de taille douce, respectueuses de la physiologie de l’arbre, de sa nature, signifie au contraire que la collectivité est prête à faire des efforts pour améliorer son cadre de vie. La constatation de ce changement modifie les comportements des acteurs concernés qui vont faire des efforts pour améliorer les sites où ils vivent alors que précédemment l’indifférence générale ne les y incitait pas. Il apparaît bien ici que l’ensemble de signes visuels qui émanent du paysage forment un langage dont on a trop sous-estimé la force médiatique, c’est-à-dire le pouvoir d’influer sur les schèmes décisionnels.

Prenons un autre exemple emprunté à l’urbanisme. Lors du lancement de la politique des villes moyennes sous le septennat de Georges Pompidou, des observateurs en ont critiqué le contenu. La réhabilitation souvent sommaire d’une façade ou la création d’un embryon de voie piétonne ne pouvait, selon eux, que constituer des gadgets impuissants à modifier la réalité profonde des centres des villes, alors profondément dégradés. Dix ans après, il a fallu se rendre à l’évidence: les petites rues ont retrouvé une activité importante, les centres-villes jadis désertés sont redevenus des lieux de commerce intensif et des pôles d’animation culturelle, avec comme effet pervers cependant un changement radical dans la structure sociale des habitants qui s’est traduit par un rejet à la périphérie de la population initiale. Autrement dit, dans ce cas précis, l’apparence a permis de modifier en profondeur une réalité.

Pour ces raisons se développent actuellement, en particulier dans le département de la Savoie, des programmes de paysage d’aménagement consistant à agir sur certains éléments particulièrement sensibles du paysage, notamment les «points noirs paysagers», c’est-à-dire tous les signes qui dégradent visuellement un paysage: décharges non contrôlées, bâtiments en ruine n’ayant aucun intérêt architectural, mobilier urbain délabré, affichage sauvage... Les actions concrètes effectuées dans des délais brefs, pour effacer ces nuisances, perceptibles de manière évidente, ont pour but de signifier que la dégradation n’est pas une fatalité et qu’au contraire un processus de valorisation est engagé. Parallèlement sont menées des actions visant à mettre en scène des éléments positifs des sites: bâtiment, rocher, vallée, mont...

De tels programmes, pour être menés à bien, supposent:

– La détection des points noirs paysagers et des points de vue permettant de mettre en valeur une perspective.

– La mise en place de moyens de négociation (personnel compétent et stable, minimum de financement...) car chaque problème à régler implique une action spécifique.

– La recherche d’un consensus sur ce qu’il convient de faire; il est d’ailleurs facile à obtenir car, si l’appréciation du beau, de l’agréable repose sur un sentiment individuel, les consensus sont nombreux en la matière.

– La maîtrise du temps: certaines opérations doivent se lire rapidement dans le paysage pour entraîner des changements d’attitude des divers acteurs concernés et permettre le développement d’actions à plus long terme, et ainsi d’agir concrètement à la fois dans le court, le moyen et le long terme.

– Une attention particulière aux paysages perçus des routes et autoroutes; les parcours routiers et autoroutiers sont aujourd’hui décisifs pour l’appréhension des paysages (ils constituent pour le plus grand nombre la vitrine privilégiée d’une région, d’un pays); il ne suffit pas de traiter les abords immédiats des emprises, il faut aussi se préoccuper de l’ensemble des plans constitutifs des paysages et des sites parcourus, du plus proche au plus lointain.

– L’utilisation et l’application rigoureuse des moyens législatifs et réglementaires existant, ou à créer, dans le domaine de l’aménagement et de l’urbanisme: dispositions des plans d’occupation des sols (P.O.S.), lois et réglementation sur la publicité, sur le littoral, sur les sites protégés...

– L’intervention d’organismes d’aménagement tels que le Conservatoire du littoral et des rivages lacustres ou les sociétés d’équipement.

La méthode de l’approche du paysage d’aménagement repose en définitive sur la détection des éléments négatifs ou positifs du paysage, la recherche de consensus sur les actions à mener, la négociation, une bonne planification dans le temps des opérations, l’utilisation des outils réglementaires et juridiques existant ou à créer, l’intervention d’opérateurs. Il s’agit de mobiliser les énergies pour aboutir à une amélioration évidente du paysage perçu visuellement.

Parallèlement à cette approche sensible doivent et peuvent être menées des actions lourdes, dans le long terme, sur l’environnement, l’écologie, la maîtrise de l’évolution des mutations agricoles. Par exemple: amélioration de la qualité des eaux, développement de techniques agricoles respectueuses de l’environnement, mise en place de productions et de circuits commerciaux permettant aux exploitations agricoles de trouver une assise économique dans cette perspective.

Approche du paysage d’opération

L’appréciation d’un paysage ne résulte pas seulement de la perception immédiate de l’environnement familier, mais aussi de l’idée que l’on s’en fait en fonction d’espaces auxquels s’attache une valeur particulière, positive ou négative, même s’ils sont peu fréquentés. Pour reprendre l’exemple souvent cité par P. Sansot, le puy de Dôme occupe une place très importante dans la sensibilité des Auvergnats, y compris de ceux qui n’y montent jamais; il concourt à créer l’image qu’ils se font de leur propre région. Dans le même ordre d’idée, le spectacle désolé qu’offrent les friches industrielles constitue un effet repoussoir tel qu’il dissuade de nouvelles activités de s’implanter dans les régions où elles se trouvent. Pour remédier à cette situation, le rapport sur les grandes friches industrielles établi par l’ingénieur général Lacaze a fait de la requalification paysagère de ces espaces une priorité. Ainsi les espaces, même s’ils ont une fréquentation confidentielle, jouent un rôle fondamental dans l’appréciation d’un paysage et doivent faire l’objet d’une attention particulière.

Il en est ainsi des jardins , espaces précieux dans lesquels les maîtres d’ouvrage et les maîtres d’œuvre s’impliquent profondément; ils sont le reflet de leurs aspirations profondes, de leur vision du monde, de leur sensibilité la plus intime, de leurs rêves. Ils servent également de laboratoire et de modèle à des créations sur de plus vastes espaces qui s’intègrent parfois aux pratiques agronomiques. La France possède un ensemble remarquable de jardins de toutes époques et d’inspirations les plus variées. Il est regrettable qu’elle ne se soit pas donné les moyens de valoriser ce patrimoine exceptionnel en se dotant d’un organisme tel que le National Trust existant en Grande-Bretagne. Outre sa valeur artistique et culturelle propre, un tel ensemble pourrait servir de vecteur de sensibilisation à l’environnement et constituer un «produit» touristique attractif.

Il y a aussi les espaces dérivés des jardins : parcs, squares, espaces de loisirs, la plupart des espaces publics urbains et en particulier les trames végétales. Il convient de noter que beaucoup de villes modernes se sont organisées autour d’un jardin et qu’un projet paysager fort, sur des espaces extérieurs, peut fédérer des quartiers disparates, dans les banlieues en particulier. L’apport des jardins sur l’urbanisme est souvent déterminant.

Il faut noter enfin certains aménagements forestiers à caractère récréatif ou pédagogique, ainsi que les traitements paysagers, les préverdissements des friches industrielles et leurs dérivés, en particulier les terrils.

La création de ces catégories d’espaces ou leur traitement paysager appelle une méthode de conception et de mise en œuvre différente de celle du paysage d’aménagement. Dans ces opérations, le maître d’ouvrage est en général unique, la zone à traiter bien délimitée, la propriété du terrain clairement établie. Le maître d’œuvre, le paysagiste, peut établir un projet conformément au programme qui lui a été confié, se traduisant par un ensemble de plans comme le font les architectes.

Toutefois, les métiers sont très différents. L’architecte conçoit des bâtiments qui sont finis dès que la construction est achevée, le paysagiste utilise préférentiellement des matériaux vivants, des végétaux, qui croissent au fil des ans puis dégénèrent et meurent. La dimension du temps et de la gestion du projet est essentielle en matière de paysage. Pour cette raison, les documents graphiques d’un projet de paysage devraient présenter son évolution à plusieurs années d’intervalle t 漣 1, t 0, t + 1, t + 5, t + 15 par exemple et comporter un guide de gestion correspondant, contenant des indications sur la taille des arbres, les éclaircissements des boisements à prévoir, le renouvellement des végétaux selon les saisons et leur espérance de vie, afin d’assurer en permanence la qualité de l’opération.

Les sites exceptionnels , faisant souvent l’objet de protections particulières, notamment celles que prévoit la loi du 2 mai 1930 sur les monuments naturels et les sites – cirque de Navacelle par exemple –, posent de nombreuses difficultés de gestion, compte tenu en particulier des mutations agricoles. Des méthodes adaptées à cette situation sont recherchées par la sous-direction des espaces protégés du ministère de l’Équipement qui en a la tutelle.

Entrent également dans cette catégorie les réserves naturelles qui s’étendent sur de vastes espaces caractéristiques d’un pays, pour lesquelles des organismes spécifiques de gestion ont été créés, les parcs nationaux et les parcs naturels régionaux.

Paysagistes

Le terme de paysagiste désigne en France deux catégories de professionnels:

– Les paysagistes concepteurs d’espaces ayant une forte composante végétale: jardins, parcs, zones de loisirs, trames végétales urbaines, traitement paysager des friches... Ils interviennent également au niveau du grand paysage (département, région, une ou plusieurs communes, vallée). Ces maîtres d’œuvre ont donc vocation à intervenir dans le cadre d’une opération ou d’un aménagement. Ils assurent normalement la surveillance des travaux effectués par les entreprises de paysage et peuvent intervenir dans la gestion des espaces qu’ils ont conçus. Ils reçoivent une formation supérieure à la suite du baccalauréat: cinq ans d’études comportant un apprentissage à la création de projet au cours de travaux d’atelier. Dans la majorité des pays ces professionnels sont désignés par le terme d’architectes-paysagistes , même s’ils n’ont pas une formation d’architecte. Ils sont regroupés sur le plan international dans la Fédération internationale des architectes paysagistes (I.F.L.A., International Federation of Landscape Architects), en France au sein de la Fédération française du paysage (F.F.P.). L’histoire des paysagistes, longtemps appelés jardiniers, se confond avec celle des jardins, décrite dans la rubrique correspondante.

– Les paysagistes qui sont des entrepreneurs, assurant la réalisation d’espaces à forte composante végétale. Ils peuvent également proposer des plans et effectuer des travaux correspondants. Ils ont en général une formation technique dans le domaine de l’horticulture. Ils sont regroupés en France au sein de l’Union nationale des syndicats d’entrepreneurs paysagistes et reboiseurs de France (U.N.S.E.P.R.F.).

Cette ambiguïté du terme de paysagiste, propre à la France, pose des difficultés pratiques; le client non informé ne sait pas à qui il s’adresse. Les organismes professionnels concernés ont entrepris une concertation pour trouver une solution à ce problème.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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